Eglise Catholique de Sfax

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Père Paul - L'Appel

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La deuxième partie du témoignage de père Paul

«J’avais opposé beaucoup de résistance à la réalisation du dessein de Dieu sur moi. C’est presque malgré moi que j’en étais arrivé là.»

Je m’en ouvrais à mon père spirituel, mais celui-ci, tout en m’écoutant favorablement, voulait éprouver la force de mon appel, il me demanda de patienter encore un an avant d’entrer au séminaire, de même pour toutes les autres personnes que je rencontrais. Alors j’ai attendu toute une année en préparant pour la forme un concours d’entrer à l’École Nationale d’Agronomie, mais le cœur n’y était pas et durant cette année, j‘ai fait beaucoup de bêtises.

Quand mon père spirituel fut convaincu de la vérité de mon appel et de la solidité de mon désir, il se proposa de me donner à lire des livres sur les différents ordres missionnaires existant. Parmi eux il y avait le livre sur les Pères Blancs. Je le choisis le premier car je savais qu’ils étaient des spécialistes de l’islam et j’avais posé une sorte de condition à Jésus : « D’accord, je serai prêtre, mais ce sera missionnaire, et chez les musulmans, parce qu’ils sont réputés inconvertissables, mais, moi, je les convertirai, et ce sera même en Algérie, car depuis 130 ans la France n’a rien fait pour que l’Algérie devienne chrétienne. » Quand j’ai eu lu le livre, je l’ai rendu à mon Père spirituel en disant : « Je n’ai pas besoin d’en lire un autre, les Pères Blancs, c’est exactement ce que je désire et c’est là qu’il faut que j’aille. »

Alors je suis rentré tout naturellement chez eux en septembre 1952 et j’ai poursuivi le cours classique de cette formation. J’ai commencé par la philosophie en Bretagne. Là de suite on m’a parlé de la mission en terre d’islam, mais j’ai dû déchanter quand on m’a dit qu’il n’était pas question de conversion des musulmans. On devait travailler seulement à faire évoluer le milieu et à promouvoir un esprit de liberté, de tolérance et de respect de l’autre afin qu’un jour celui qui voudrait choisir une religion puisse le faire librement et en pleine conscience. Sur le moment ce fut un choc, mais rapidement je compris que c’était sagesse et désormais c’est ce que j’allais faire durant toute ma vie future.

La suite de nos études se trouvait en Afrique du Nord, le noviciat à Maison Carrée près d’Alger, la théologie d’abord à Thibar en Tunisie près de Téboursouk dans la vallée de la Medjerda puis les dernières années à Carthage. Le tout fut entrecoupé du service militaire fait en Algérie puis en Tunisie. Je fus ordonné prêtre en janvier 1961, ce fut à Montpellier dans ma paroisse natale, car on venait de commencer à nous permettre d’aller recevoir les ordres dans nos diocèses d’origine. À la fin de ce cursus vint le moment crucial des nominations et je fus nommé aux études universitaires à Strasbourg, et j’en fus très heureux. En effet je me disais que pour travailler auprès des musulmans il fallait être crédible et posséder un bon bagage culturel, on ne pouvait pas se présenter comme le broussard traditionnel allant de poste en poste sur sa moto. Mais dans l’esprit des supérieurs si j’allais aux études, c’était plutôt pour être professeur dans l’un ou l’autre des petits séminaires que nous possédions. Je partis donc pour Strasbourg où j’acquérais une licence d’enseignement en mathématiques. Je la complétais ensuite par une année de psychopédagogie à la Sorbonne, à Paris. À ce moment j’étais prêt pour partir en mission, mais nos petits séminaires de France avaient fermé les uns après les autres. Comme j’avais été formé pour enseigner dans les petits séminaires, je ne demandais pas d’aller en Afrique du Nord comme c’était mon désir, mais je demandais d’aller enseigner dans un de nos petits séminaires d’Afrique francophone. À ma grande surprise c’est en Algérie qu’on m’envoyât. Mes supérieurs savaient, il est vrai, que mon cœur penchait vers l’Afrique du Nord, mais comme je ne l’avais pas explicitement demandé, j’y vis de suite une attention spéciale du Seigneur à mon égard car il venait de réaliser à mon insu l’un des plus profonds désirs de mon cœur.

J’arrivais donc là-bas bien armé pour y faire du bon travail, mais ne croyez pas que j’y aie eu beaucoup de mérite, comme je vous l’ai déjà fait sentir, j’avais opposé beaucoup de résistance à la réalisation du dessein de Dieu sur moi. C’est presque malgré moi que j’en étais arrivé là, car le parcours avait été semé de beaucoup d’embuches. Encore une fois, ce n’était pas moi qui avait fait tout cela mais bien le Seigneur à travers moi. J’avais conscience de n’y avoir que fort peu de mérites.

J’étais donc à pied d’œuvre. Je commençais par apprendre l’arabe à Alger tout en enseignant un peu à notre collège de Maison Carrée, puis je fus nommé à celui de Constantine : le Lycée privé du Mansourah. Dès le départ je me heurtais à une mentalité contestataire qui régnait à l’époque contre ces institutions de l’Église et qui allait me suivre durant toute cette période de ma vie. Nous étions en 67, donc à la veille de la révolution de mai 68. Les institutions de l’Église étaient très décriées comme quoi nous ne nous adressions qu’à un public de riches et de privilégiés, que les institutions d’état étaient plus démocratiques, s’intéressaient davantage à toute la population, ne négligeaient pas les pauvres… et toute sorte de discours soi-disant populiste. Comme j’avais tous les diplômes voulus, on me conseillait de laisser tomber ce travail, d’aller m’engager comme professeur dans les lycées d’état et on me considérait un peu comme un idiot d’accepter un tel poste sans relief. Mais par obéissance je me dirigeais vers Constantine, car je ne pouvais pas être infidèle à mon engagement de Père Blanc.

Je vis plusieurs de mes confrères refuser d’obéir et aller s’engager là ou ailleurs dans des institutions d’état ou des ONG laïques. Je ne peux pas dire qu’ils n’y aient pas fait du bon travail, mais je pense pouvoir dire qu’ils n’y ont pas eu le résultat et le rayonnement que j’ai eu moi-même et dont je vais vous parler. En tout cas ce qui a discrédité la majorité d’entre eux c’est la situation déplorable dans laquelle ils sont tombés et c’est encore aujourd’hui pour moi une grande tristesse de voir comment aux yeux de Dieu ils ont gâché leur vie. J’ai toujours devant moi comme une lancinante douleur le souvenir de Xavier C… l’un de mes frères les plus chers qui a refusé d’aller enseigner l’anglais dans un de nos collèges, il est parti au sud faire de l’alphabétisation au diocèse de Laghouat, il était en cheville avec je ne sais quelle ONG et un ménage d’amis qu’il avait rencontrés, un jour avec ce ménage ils ont refusé d’obéir à l’évêque d’alors, ils sont partis en France, il a quitté l’Église, il s’est marié, s’est brouillé avec sa famille, il vit peut-être encore en Angleterre, mais son souvenir hante encore toutes mes nuits et je prie toujours le Seigneur de lui pardonner son orgueil.

J’arrivais donc à Constantine dans un état d’esprit assez désabusé et de plus je ne trouvais pas là-bas la belle institution dont j’avais rêvais. Notre collège se débattait au milieu de grandes difficultés, notre situation était des plus précaires. Nous manquions toujours d’argent ; ne pouvant pas assurer à des professeurs algériens une carrière suffisamment stable nous recrutions avec peine la majorité de nos professeurs en France, en Belgique ou au Liban, nous avions aussi des difficultés pour le recrutement des élèves, nous servions parfois d’exutoire aux lycées d’état pour placer les élèves indésirables chez eux. Mais ce qu’il y a d’extraordinaire c’est que malgré toutes ces déficiences nous ayons pu faire là-bas un excellent travail qui allait dépasser nos espérances, seulement je devais ne m’en apercevoir que 28 ans après sa fermeture.

Heureux, je ne l’étais pas vraiment en raison du travail énorme qui m’incombait et des difficultés que j’ai signalées, mais je l’étais dans mon enseignement avec les grands élèves, car j’ai eu du succès avec eux : ceux-ci m’adoraient, et m’adorent encore.

Alors un jour de mai 1976 arriva la nouvelle comme quoi le collège était nationalisé. Ce fut la consternation. Il est certain que nous n’aurions pas pu tenir encore longtemps, mais cette nationalisation nous frappa comme un coup de poignard. Il nous semblait que tout s’écroulait, que nous avions travaillé pour rien, que nos élèves allaient retomber dans la médiocrité ambiante, qu’ils ne nous garderaient aucune reconnaissance pour notre dévouement. Nous étions très désabusés. Je restais cependant encore deux années au collège devenu lycée d’état pour accompagner mes élèves jusqu’à leur baccalauréat. Après je ne voyais plus d’intérêt à travailler avec des gens que je ne connaissais pas, je proposais mes services à notre supérieur général pour m’occuper de la formation des jeunes Pères Blancs, car je considérais et je considère encore que travailler à la formation de futur prêtres c’est le plus beau travail qui existe, et je fus nommé à nouveau à Strasbourg pour cette nouvelle tâche.

Revenir à la première partie:
Témoignage de Père Paul - L'Enfance


Voyez aussi :
Fête pour père Paul

1 commentaire(s):

Anonyme a dit…

miracle d'internet je viens de lire le témoignage du père paul .Cela m'a fait revivre mon adolescence au contact des pères Dialo ,Moussion , Farn et autres, surtout à Borg Mira et alger

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