17ème dimanche du temps ordinaire
Notre prière est déjà un mystère : Dieu nous aime - n’est-il pas vrai -, il sait ce dont nous avons besoin, il habille les lys des champs mieux que Salomon dans sa grandeur, pourquoi veut-il que nous le supplions de nous accorder le nécessaire, comme aussi le superflu ? Cela peut se comprendre par comparaison avec ce que nous vivons dans nos familles : nos parents nous ont donné ou nous donnent le nécessaire, mais, dans une relation d’amour, les enfants prient leurs parents de leur accorder telle ou telle chose de plus ou moins grande valeur et le père éprouve un grand plaisir à accorder à ses enfants ce qu’ils demandent même si de toute façon il va le leur donner, qu’ils le demandent ou ne le demandent pas. Mais quand il s’agit de la prière de Jésus, là, nous ne comprenons pas. Si nous croyons que Jésus est le Fils de Dieu, si nous croyons qu’il est l’égal du Père, si nous croyons que c’est lui qui maintient tous les êtres dans l’existence, comme je vous l’expliquais il y a 15 jours, pourquoi Jésus passe-t-il des heures, des nuits entières à prier son Père ? À quoi cela lui sert-il ?
Mais c’est ainsi, la prière fait partie de la nature humaine, de la relation entre Dieu et nous qui est semblable à la relation d’un enfant avec son père, et Jésus qui est pleinement homme devait donc prier son Père comme nous nous prions notre père de cette terre ou notre Père des cieux, et puisqu’il est la perfection même, sa prière devait être la plus grande, la plus intense, la plus parfaite, comme jamais aucune prière humaine ne pourra être aussi grande, aussi intense, aussi parfaite qui puisse exister.Les Apôtres ont donc vu Jésus prier longuement son Père, des nuits entières. Ils ont compris qu’eux aussi devaient prier pour devenir semblables à Jésus. Ils se sont rappelé que Jean Baptiste avait appris à ses disciples à prier et ils ont fait la même demande à Jésus.
Soit dit en passant, cela veut dire que l’un des rôles du prophète, du prêtre, est d’apprendre à prier à ses ouailles et c’est ce que je dois faire ce soir avec vous. Cela me rappelle d’ailleurs les années passées à Notre Dame d’Afrique où la première question que les musulmans qui venaient la visiter me posaient était la suivante : « Comment faut-il faire pour prier chez vous ? » Ils avaient l’intuition que la prière musulmane avec ses gestes et ses formules ne convenait pas, alors je leur expliquais qu’il fallait prier avec son cœur, t’solli fi gelbek, qu’il fallait parler à Marie comme à sa mère en lui confiant ses angoisses, ses désirs et en lui parlant d’amour. Et je n’ai vu que deux fois en 12 ans un homme, tirer son tapis de prière et accomplir devant Marie la prière musulmane qu’elle a dû accueillir avec beaucoup de plaisir car je sais qu’elle aime particulièrement les musulmans qui la vénèrent.
C’est Jésus donc qui nous apprend lui-même à prier. Il commence en nous disant d’appeler Dieu Père et Notre Père. Certains commentateurs disent que Jésus se met à part de ce nous, mais, moi, je ne le crois pas. Jésus, pleinement homme, se met avec nous et c’est avec lui que nous disons Notre Père, notre prière c’est comme la prière de Jésus.
Il nous demande d’abord de louer le Seigneur : que ton nom soit sanctifié, que ton règne vienne ! Cela nous ne le faisons pas très souvent, pourtant il faut le faire. Nous le faisons quand même quand nous assistons à la messe, car à plusieurs reprises le prêtre loue le nom du Seigneur, en particulier quand à la fin du canon il dit Par lui, avec lui et en lui, soit toute gloire, pour les siècles des siècles et que nous approuvons en chantant Amen.
Ensuite vient toute une série de demandes, pour le pain quotidien, pour le pardon des péchés et pour être délivré de la tentation. Jésus n’a pas pu demander pardon pour ses péchés, mais n’oublions pas cependant qu’il y a toute une théologie qui nous dit que Jésus s’est identifié au péché des hommes pour pouvoir les racheter par son sang. Et souvenez-vous que lors du premier dimanche de carême je vous ai montré que Jésus avait été tenté plus que quiconque pour devenir un homme libre, un homme vraiment homme. Donc cette deuxième partie du Notre Père, il faut la dire aussi avec Jésus.
Puis vient ensuite le commentaire de Jésus sur la prière de demande, un très long commentaire agrémenté de plusieurs paraboles pour que nous comprenions bien que Dieu prend plaisir à nous voir formuler beaucoup de prières de demande. Et à cela s’ajoute la belle prière d’intercession d’Abraham pour le salut des gens de Sodome. Un père est très heureux de pouvoir accorder à ses enfants ce qu’ils demandent, mais surtout chaque fois que nous formulons à Dieu une demande nous nous reconnaissons comme étant son enfant, et c’est très bon pour nous.
N’hésitons donc pas à formuler beaucoup de prières de demande. La liturgie, après le Concile, a introduit avec bonheur la prière universelle avant l’offertoire et ce fut une très bonne chose tout à fait conforme au désir de Dieu et à notre attitude spirituelle devant Dieu.
Comprenez que tout ce qui nous met dans une attitude d’enfant devant Dieu comme Père contribue à nous mettre dans la vérité et donc dans l’amour. Nous sommes toujours tentés par l’orgueil de vouloir nous sauver nous-mêmes. Il nous est difficile de reconnaître que, livrés à nos propres forces, nous étions tous voués à la damnation, il nous est difficile d’accepter que Dieu nous a aimés alors que nous étions pécheurs et qu’il n’avait aucune raison de vouloir nous sauver. Le monde d’aujourd’hui se meurt dans la tentation de l’autosuffisance, il veut se sauver et résoudre ses problèmes sans l’aide de Dieu et il n’y arrive pas. Alors tout ce qui nous met dans une attitude d’abandon entre les mains de notre Père est bon pour nous, et la prière de demande réalise cela. Les théologiens pensent que la grande révélation de Jésus sur sa nature est contenue dans ce seul mot : il appelle Dieu Père. Nous aussi, disons avec foi, avec confiance, avec amour : Notre Père. Tout est contenu dans ce seul mot, toute la Vérité (avec un grand V) est là, toute la nature de Dieu, toute notre nature à nous, toute la religion d’amour qu’est notre foi chrétienne, toute notre raison d’être, tout notre salut est contenu dans ce seul mot. Alors quand nous le disons, disons-le en ayant une toujours plus grande conscience de tout ce qu’il contient et de tout ce qu’il nous apporte.
Amen.
père blanc
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