Eglise Catholique de Sfax

Le blog de la paroisse de Sfax


Le figuier qui ne donnait pas de fruit

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Eglise Sfax Yvon Jutard
(Luc 13, 6-9)
3ème dimanche de carême

Jésus leur dit cette parabole:

"Un homme avait un figuier planté dans sa vigne. Il vint chercher du fruit sur ce figuier, et n’en trouva pas. Il dit alors à son vigneron: "Voilà trois ans que je viens chercher du fruit sur ce figuier, et je n’en trouve pas. Coupe-le. A quoi bon le laisser épuiser le sol?" Mais le vigneron lui répondit: "Seigneur, laisse-le encore cette année, le temps que je bêche autour pour y mettre du fumier. Peut-être donnera-t-il du fruit à l’avenir. Sinon, tu le couperas."

  Nous le sentons tous, nous vivons à une époque où on voudrait que ça marche, que ça produise vite et bien… Des parents s’impatientent de voir leur ado manqué de maturité… Des enseignants se plaignent de leurs élèves qui ne font pas de grands progrès… Des étudiants voudraient bien réussir tous les examens sans subir d’échec… Des couples voudraient bien vivre un amour sans faille, sans risque de s’affadir au fil du temps…

  On voudrait aussi que nos communautés soient parfaites, que l’Eglise se présente comme une Eglise sans tâche, qu’elle produise toujours et partout à travers l’ensemble des chrétiens, du haut au bas de l’échelle, des fruits de justice, de sainteté, de pauvreté évangélique, de solidarité ouverte à tous…

  Et puis, il nous arrive de ne plus croire en nous-mêmes... ce défaut que l’on traine, cette agressivité qui empoisonne bien souvent nos relations, cette paresse spirituelle qui nous fait stationner dans une certaine médiocrité alors qu’en ce temps de carême, par ex., nous voudrions marcher d’un bon pas vers le Seigneur. Autant de signes de notre faiblesse spirituelle qui stérilise notre vie de foi.

  "Un figuier n’a pas porté de fruits… et cela depuis 3 ans"! Va-t-on l’arracher?… Le jeter au feu? Non! Il n’est pas encore perdu. Avec un peu d’attention, on découvre qu’il y a de la vie en lui. On va donc s’en occuper sérieusement, bêcher autour, y mettre du fumier… On peut encore espérer le voir reprendre vie et porter de bons fruits.

  Cette parole est une Parole d’Evangile. Elle est parole du Christ. Elle exprime toute la patience de Dieu envers l’homme, envers tout homme, envers chacun et chacune d’entre nous. Dieu n’est pas aussi exigeant que nous le sommes parfois nous-mêmes. Il tient compte de ce que nous sommes, des hommes toujours en devenir, et en devenir lent…

  Dieu porte à l’homme une attention faite de confiance et d’amour. "Il ne brise pas le roseau qui plie sous le vent"… "Il n’éteint pas la mèche qui fume encore." Le roseau pourra se redresser et de la mèche fumante pourra de nouveau jaillir la lumière.

  Cette mèche prête à s’éteindre, c’était Zachée enfoncé dans son égoïsme… Marie-Madeleine, au cœur meurtri par son inconduite… Pierre, le faible Pierre, envahi par la peur au moment de l’arrestation de Jésus… Le brigand sur la croix, qui allait rendre l’âme et dont le bilan de vie n’était pas bien brillant…

  C’était encore ces gens excités au pied de la croix, qui se moquaient de Celui qu’ils avaient peut-être acclamé quelques jours auparavant.

  Jésus lui, ne condamne pas irrémédiablement. Dans chacune de ces personnes il découvre une vie… Pâle, stérile, si peu digne d’une personne humaine. Des vies qui risquent de se perdre à force d‘égoïsme, d’aveuglement, d’impureté, de lâcheté.

  Pour lui, ce sont des vies précieuses, qui peuvent encore renaître, grandir de nouveau, se libérer, s’épanouir, porter du fruit. Alors Jésus dit à Zachée: "Je vais manger chez toi." - à Marie-Madeleine: "Va! Je ne te condamne pas. Je te fais confiance. Tu vaux plus que tu ne parais… Ne pèche plus! Sois libre! Tu es capable d’aimer vraiment et d’être aimée pour toi-même!" - Il regardera Pierre, comme ceux qui aiment savent regarder l’enfant qui a fait une faute, l’adolescent désespéré, ou encore l’ami qui a trahi l’amitié… Un regard qui fait revivre! – Au bandit sur la croix à côté de lui, il dira: "Tu seras avec moi dans le Royaume. Tu vivras… Pour l’éternité." - et pour les malheureux qui l’insultent, il aura cette prière empreinte du plus bel amour: "Père, pardonne-leur! Ils peuvent être meilleurs qu’ils ne paraissent aujourd’hui… En ce moment, ils ne savent pas ce qu’ils font!"

  Que dire après cela ? Sinon qu’à la suite du Christ, il nous faut croire, avec lui, en l’homme, en tout homme, en nous-mêmes. Croire qu’il y a des possibilités insoupçonnées de vie, qu’il faut patiemment aider à se libérer, faire grandir, épanouir…

  Mais il y a une exigence. Pour que le figuier porte de nouveau du fruit, il ne faut surtout pas l’abandonner à lui-même. Il faut le travailler, bêcher la terre, mettre du fumier, faire tout le nécessaire.

  J’y vois deux appels possibles, parmi d’autres:

- Le premier: Nous avons besoin les uns des autres pour faire grandir en nous la vraie vie, celle de l’homme libéré du mal, de tout ce qui le diminue. Tout homme, tout pécheur qu’il puisse être, a besoin de sentir chez l’autre un refus de jugement négatif et définitif sur son compte… Ne serait-ce pour qu’il puisse arriver à croire en lui-même, à avoir confiance en lui-même. Nous avons à nous aider les uns les autres, ceux de notre communauté, évidemment, mais dans "les autres" il y a aussi tous ceux et celles avec qui la vie ordinaire nous met en contact…

- Le deuxième appel: un appel à avoir confiance en soi-même. Dans la foi, la confiance peut être totale. Je veux dire que même si d’autres ne nous font pas confiance ou plus confiance et que nous nous découvrons être dans une solitude intérieure difficile à porter et supporter… Même dans cette situation là, nous rappeler que nous avons toujours Quelqu’un qui est tout prêt à croire en nous, à nous relever s’il le faut, à nous remettre en route, amoureusement, dans la patience, dans l’acceptation des délais nécessaires pour sortir de notre mal-être… Dieu auquel nous donnons notre foi, est celui qui nous redit au plus profond "même si une mère désespérée de son enfant finirait par l’abandonner, moi je ne t’abandonnerai jamais." Pourquoi? Car "je suis venu, nous dit Jésus, pour que tu aies la Vie et la Vie en abondance. Pour que tu portes du fruit, un fruit qui s’épanouit en Vie éternelle."

  Questions que nous pourrions nous poser en ce temps de marche vers Pâques, fête de toutes les résurrections possibles, à la suite de celle de Jésus:

- Où en sommes-nous de notre confiance patiente, aimante, en l’autre, dans les autres, en nous-mêmes?

- Où en sommes-nous de notre confiance en Dieu, Celui que Jésus nous a révélé dans l’Evangile?

Père Yvon

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