Eglise Catholique de Sfax

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J’aime les vieux, dit Dieu

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(comme aurait dit Péguy)            
J'aime les vieux, dit Dieu ; les vieux, les anciens. Je ne veux pas dire forcément les personnes âgées, encore que de devenir vieux, c'est un signe que je leur ai conservé la vie, je les aime suffisamment pour leur avoir accordé de vivre une longue vie ;  mais je parle d'une longue vie de foi. C'est pourquoi j'aime les vieux, les anciens dans la foi, ceux dont la foi a duré ; ceux qui ont vieilli dans la foi ; je veux dire dont la foi a vieilli comme un bon vin qui vieillit avec l'âge, qui ne se dégrade pas en vieillissant mais au contraire s'enrichit  de toutes les qualités du grand âge; quoiqu'il puisse tourner avec l'âge; mais enfin il faut du temps pour faire un bon vin.
J'aime ainsi les vieux, dit Dieu, les anciens dans la foi. Car enfin, qu'un jeune ait la foi (comme on dit à tort), que la foi l'ait saisi dans l'enthousiasme de sa jeunesse, c'est beau, mais ça ne m'étonne pas, dit Dieu ; surtout si ça se produit quand il est amoureux : c'est beau la foi à deux, qui ne font plus qu'un, qu'une seule chair, comme je l'ai dit, et écrit, dit Dieu, par la plume des prophètes et des apôtres, ce lien qui n'existe que par imitation de la façon dont j'aime les hommes, dit Dieu, car tous les hommes sont destinés à être mon peuple, et je les aime, et ces deux jeunes-là s'aiment comme j'aime mon peuple, et ils ont la foi.
C'est beau, dit Dieu, mais ça ne m'étonne pas. Ce qui est étonnant, c'est que leur foi continue, c'est que cet homme devienne vieux et continue à (comme on dit) avoir la foi, à être possédé par la foi, malgré le fait que cette charmante fille soit devenue une épouse revêche (d'où cela vient-il ?) et que son garçon, où il a cru se retrouver en mieux, ait mal tourné, et cette fille, la prunelle de ses yeux, la perle de son orient, se soit mise en ménage, comme ça, avec un autre dont il faut bien reconnaître que c'est un garçon bien, mais enfin il l' a prise comme ça (ce qui en soi est bien) mais ils n'ont pas engagé leur vie, parié sur l'éternité de leur amour, sur le modèle de mon amour pour mon peuple qui est  éternel (mon amour) ; bref que cet homme -ou cette femme qui en a tant vu avec le repas trois fois par jour, et les lessives, et les fins de mois, et ce qu'elle souhaitait pour elle, et pas seulement, pas avant tout pour elle mais pour ses enfants, sans parler de ce lien avec son mari qui s'est comme disloqué; bref que cette pauvre créature qui dans l'enthousiasme de ses vingt ans avait la foi (comme on dit) continue à avoir la foi, a être accessible à la foi, à être possédée par la foi  : ça ça m'étonne, dit Dieu ; je suis étonné moi-même par le pouvoir de mon amour pour eux qui en retour produit en eux la foi, la confiance en moi, et que ça dure ; ça c'est étonnant et je suis étonné, et je les aime dans leur grand âge : non pas le grand nombre de leurs années, car à dix ans on peut aimer Dieu de tout son être et le renier à quatre-vingts ; mais par le grand âge de leur foi, par le fait qu'ils ont vieilli dans la foi, qu'ils ont gardé la foi, qu'ils sont anciens non pas par l'âge mais par la foi : ça c'est admirable, dit Dieu, et il a fallu toute la puissance de ma grâce pour faire durer leur foi, et je m'étonne moi-même que ça ait pu marcher, qu'ils n'aient pas craqué sous la pression que ma grâce exerçait sur eux pour qu'ils gardent foi en moi.
Je pourrais m'admirer moi-même, dit Dieu, à cette œuvre étonnante ; mais j'admire que ça ait pu réussir, vieillir sans s'user, sans que s'use la confiance qu'ils ont en moi comme s'use, naturellement, normalement, un vêtement soumis au temps qui passe; et pourtant, dit Dieu, leur foi n'a pas passé, comme le temps, ne s'est pas usée, comme un vêtement ; mais elle a mûri, comme un bon vin ; et j'admire l'étoffe dont je les ai faits et qu'ils ont su faire durer.
Car l'essentiel c'est ce qui dure, ce qui est dur à la tâche, pour survivre à la durée, par ma grâce, et entrer ainsi dans mon royaume qui dure éternellement. C'est pourquoi, dit Dieu, j'aime ceux qui ont été malléables à ma grâce et en même temps résistants à l'usure de la grâce: les vieux, les anciens, qui restent jeunes dans la foi chaque matin, chaque jour, chaque nuit, et même dans la nuit éternelle (comme on dit) par ma grâce.
Daniel Lys. Extrait de Au clair de la Bible. Les Bergers et les Mages. 1999.

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