26 janvier de 2011
Mgr. Maroun Lahham parle sur ce temps en Tunisie
Cher tous,Nous sommes en train de vivre des moments décisifs et passionnants. Les analyses ne manquent pas, pas plus que les commentaires. J’ose faire le mien. Je le fais brièvement en quatre points :
1. Faux diagnostic.
Ce qui est arrivé a surpris tout le monde. Tout le monde, au moins dans son ampleur ; sans parler de la rapidité avec laquelle la « révolution » s’est faite. C’est dire le degré de musellement auquel la Tunisie était soumise. Nous sommes contraints d’avouer la relativité de nos jugements sur le pays et surtout sur sa population. Et dire que la Tunisie a un niveau de vie plus élevé que les autres pays du Maghreb… Le Galiléen avait raison : « l’homme ne vit pas seulement de pain ». Une leçon pour l’avenir.2. La force de la rue.
On disait volontiers que la jeunesse tunisienne (car c’est elle qui a fait la révolution) était calme et plutôt résignée. Eh bien, elle domine la rue depuis plus d’un mois d’une manière soutenue et civique. Elle n’a rien cassé (sauf les tout premiers jours), elle a littéralement arraché des concessions du Gouvernement. Elle sait qu’elle peut manifester et réclamer, mais elle sait aussi qu’elle ne peut pas gouverner un pays. Il faut voir la joie sur les visages des jeunes qui crient : « enfin, libres ! ». Une autre leçon.3. La menace islamiste.
On en parle, puisque désormais tout le monde peut parler. Est-ce que la menace est réelle ? Personne ne peut rien assurer, mais rien n’est à écarter. Le parti islamiste (Ennahda) existe, son secrétaire arrive. Il est vrai aussi que la Tunisie n’est pas la Somalie, comme il est vrai que les fameuses « zones d’ombres » sont plus réceptives du discours islamiste que le grand Tunis. À voir ; mais pour ce qui est de la vie de l’Église, pas de préoccupation extraordinaire.4. Où en est l’Église de tout cela ?
Nous avons tous suivi les événements de très près. Nous avons été témoins de scènes formidables de solidarité et de partage. Nous avons porté tout cela dans nos prières et nous avons prié pour les victimes des premiers jours. Nous sommes conscients que le pays se dirige vers un avenir libre, digne et démocratique. Nous savons que le défi à relever n’est pas anodin. Et comme nous sommes en train de préparer un nouveau texte sur le sens de notre présence dans le pays et dans la société, la « révolution du jasmin » nous invite à revoir certains aspects de la présence de l’Église, en tant qu’Église d’abord, ensuite dans la ligne de service et de témoignage qui la caractérise. Le principe est clair et il ne change pas. L’Église de Vatican II est dans le monde, pour le monde et au service du monde. Elle n’est pas parallèle au monde, encore moins contre le monde. Nous aussi. Nous aimons ce peuple, nous respectons ses choix, et nous sommes prêts à le servir.Nous vivons un temps d’attente joyeuse et passionnante. Attendre dans la joie, n’est-ce pas la plus belle définition de l’Espérance ?
† Maroun Lahham
Archevêque de Tunis
Archevêque de Tunis
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